NUMÉRO 08 – OCTOBRE 2019
GUILLAUME POURAGEAUX
EXPERT MATERIELS RADIES
CENTRE DES MATERIELS RADIES AU MANS”
« Guillaume Pourageaux, la mémoire vivante »
C’est un peu « le croque-mort » de la SNCF, celui qui fait passer les trains sur l’autre rive après des années de bons et loyaux services. Et pourtant, cela n’empêche pas Guillaume Pourageaux d’aimer profondément les trains, depuis son enfance. Lorsqu’il ne publie pas des ouvrages sur le ferroviaire, « Paris-Strasbourg, la ligne 1 », « Les premiers diesels de forte puissance », il s’attelle à organiser le transport et la déconstruction des trains radiés.
Crédit photo SNCF
S’il y avait un « cimetière des éléphants » version SNCF, pour les géants d’acier exténués après des kilomètres parcourus, Guillaume Pourageaux en serait le gardien. Depuis 2011, il est à la tête de la Cellule des Matériels Radiés au Mans (CMR). Créée seulement deux ans auparavant en 2005, cette cellule a pour but de coordonner le transport des trains ne pouvant plus rouler et devant être mis au rebut. Chaque année, près de 1000 caisses sont radiées, dont il faut assurer le transfert par rail ou par route vers les lieux de déconstruction. Le défi est de taille, car actuellement 700 à 800 trains sont détruits chaque année. Il est donc nécessaire d’accélérer la cadence pour faire face à l’augmentation qui se profile, avec une estimation de 1200 à 1300 trains par an sur les dix prochaines années.
Pour ces rames hors d’âge, Guillaume Pourageaux se bat avec énergie : se plonger dans la documentation, trouver les outils et les pièces qui permettent de faire rouler des trains qui, parfois, ont quitté les rails depuis des dizaines d’années et se trouvent à l’abandon. C’est un défi de tous les jours !
Surtout que le démantèlement est une opération coûteuse et qui n’est jamais traitée comme une priorité. Il faut donc chaque jour négocier, convaincre, pour obtenir les sillons nécessaires aux déplacements des engins. Sans compter la question du traitement de l’amiante, présente dans une grande partie des trains radiés et qui nécessite l’intervention de prestataires externes habilités.
La radiation d’un train est un travail de longue haleine, qui peut prendre entre quelques jours et un semestre selon la complexité. Cela nécessite une rigueur et des connaissances approfondies que peu de personnes possèdent. Guillaume Pourageaux est un expert : représentant de la 5ème génération de cheminots dans sa famille, il a publié plusieurs ouvrages aux éditions la Vie du Rail sur des sujets techniques comme les autorails, mais aussi sur des trains touristiques emblématiques, à l’instar du Train jaune circulant dans les Pyrénées. Il a aussi passé des années sur le terrain, en tant qu’aide conducteur à Nevers, puis comme adjoint au chef d’unité de production au Technicentre de maintenance de Chalindrey. C’est dans cette région relativement isolée, située à une heure de la première grande ville sur le plateau de Langres, qu’il fait ses armes de cheminot. À ce poste, il se confronte à la rigueur de la production industrielle, avec des températures extrêmes pouvant atteindre -17°, il faut savoir faire preuve d’autonomie. De cette expérience, il garde le goût de faire fi de la routine pour se confronter chaque jour à des défis techniques et mener à bien « des choses compliquées que les autres ne savent pas faire » comme il le dit en souriant.
Ces années de travail dans l’ombre ont aussi, aujourd’hui, leur part de lumière, puisqu’il arrive que parmi les trains radiés, certains retrouvent une seconde jeunesse en rejoignant les collections de la Cité du Train à Mulhouse ou en servant de décor lors de tournage de cinéma. De fossoyeur à conservateur, il n’y a finalement qu’un pas…
Le parcours de GUILLAUME POURAGEAUX en 5 dates
2001
DUT en maintenance industrielle et aide conducteur à Nevers
2005
Master en management opérationnel à l’IAE de Caen, en alternance au Technicentre de Maintenance de Villeneuve Saint-Georges puis embauche en tant qu’adjoint au chef d’unité de production maintenance à Chalindrey.
2008
Responsable opérationnel à la Direction du Matériel à la gestion opérationnelle des locomotives Fret et Infra.
2011
Responsable de la Cellule des Matériels Radiés (CMR).
2025
Piloter l’exploitation ferroviaire en activité ou à l’étranger.
3 questions à GUILLAUME POURAGEAUX
Que vous évoque la notion d’usine 4.0 ?
Il s’agit d’une manière de travailler qui est assez éloignée de ce que nous faisons ici. Pour acheminer des matériels anciens nous avons besoin de plans, de photocopies papiers, les archives sont essentielles et tous ces contenus ne sont pas digitalisés.
Comment imaginez-vous le futur avec les robots ?
Au niveau du matériel radié, les robots sont essentiellement utilisés par nos prestataires pour les opérations de désamiantage.
Quelle expérience vous a marqué ?
J’ai vécu un beau moment lorsque nous avons roulé sur la petite ceinture à Paris avec un train qui n’avait plus roulé depuis 1939 avec des voyageurs à bord. L’opération devait être discrète mais finalement des centaines de curieux se sont déplacés pour assister au dernier voyage de ce train. Grisant !
UNE CARACTERISTIQUE, UN MOT, UN DICTON