NUMÉRO 04 – JUIN 2019
JEAN-FRANÇOIS ROSTALSKI
EXPERT MICRO-MÉCANIQUE
TECHNICENTRE INDUSTRIEL D'OULLINS”
Il y a 20 ans, Jean-François Rostalski réparait les tracteurs dans le bocage bourbonnais. Mais comme les meilleurs vins, ses qualités de mécanicien se sont affinées… au sens propre : il s’occupe désormais des minuscules engrenages des boîtes noires au Technicentre industriel d’Oullins, dans la banlieue lyonnaise. Des mastodontes du monde agricole, il est passé aux minuties de la micro-mécanique. Un univers qui répond bien à son exigence de perfection.
Crédit photo SNCF
Quand il était petit, Jean-François ne rêvait pas de trains. Ses jouets, ses rêves, c’était les tracteurs. Dès son enfance il se passionne pour la mécanique, « j’ai grandi sur les engins agricoles et j’adorais les tracteurs » raconte-t-il. Il garde d’ailleurs un souvenir ému des locomobiles agricoles qu’il voyait dans les animations des fêtes de village : ces machines à vapeur, montées sur roues faisaient tourner les batteuses au début du XXème siècle. Ancêtres des tracteurs, elles sont aussi à l’origine des premières locomotives à vapeur, qui ne sont finalement rien d’autre que des locomobiles montées sur rails ! L’appel du train est bientôt en vue…
Une fois son CAP en maintenance des engins agricoles obtenu, Jean-François travaille pendant treize ans à l’entretien et à la réparation de tracteurs. Mais à ses trente ans, ce métier devient physiquement bien trop difficile pour son corps meurtri. En effet, alors qu’il est âgé d’une dizaine d’années, Jean-François contracte un cancer de l’os qui le laisse amputé d’une jambe. Si par défi, il s’est battu pour exercer le métier qui lui plaisait, il se retrouve contraint de se tourner vers un métier sollicitant moins sa jambe. A l’été 2001, suite à une discussion avec un ami cheminot, il rejoint SNCF en tant qu’agent logistique. Il quitte alors l’Allier et le monde agricole pour le Technicentre d’Oullins, en banlieue lyonnaise.
Il prend peu à peu ses marques, mais rapidement son emploi ne le satisfait guère, trop éloigné de la mécanique qu’il affectionne tant : « la mécanique c’est quelque chose de concret, c’est de la logique, du bon sens, contrairement à l’électronique qui est dépendante de conditions extérieures climatiques par exemple ».
Alors il se forme à la micro-mécanique et un an plus tard s’attelle à une nouvelle tâche : la réparation des boîtes noires des trains. De la taille d’une boîte à chaussures, ces appareils enregistrent et retranscrivent sur une bande graphique toutes les informations recueillies lors des parcours (durée, vitesse, signaux de voies, incidents …). Après chaque trajet, la bande est archivée et pourra être étudiée en cas de contrôle aléatoire ou d’incidents. Un appareil précieux donc, qui se doit d’être parfaitement réglé pour fournir une information exacte.
Dans son atelier, Jean-François et ses quatre collègues assurent l’entretien et la réparation de ces appareils, constitués de dizaines de minuscules engrenages et d’une carte électronique. Il faut en effet compter une journée et demie par boîte noire pour une révision parfaite. Et si ses collègues lui reprochent parfois d’être trop « pinailloux », pour Jean-François chaque détail compte :
« c’est un travail qui demande beaucoup de rigueur et de minutie ».
C’est aussi « un métier qui se rapproche beaucoup de l’horlogerie » explique-t-il. Après presque vingt ans à ce poste Jean-François a d’ailleurs développé un véritable intérêt pour cette activité et il est capable de réparer à peu près tous les modèles, de la montre à gousset à l’horloge comtoise !
Si son métier lui plait, il sait aussi qu’il est à terme voué à disparaître, puisque les appareils actuels, sont progressivement remplacés par des appareils électroniques dotés de cartes à puces. Ces avancées technologiques sont inéluctables mais l’inquiètent parfois, « il ne faudrait pas que la technologie ronge le savoir-faire de l’humain» rappelle-t-il. C’est là tout l’enjeu du nouveau technicentre industriel de Vénissieux qui succédera d’ici la fin de l’année à celui d’Oullins: favoriser la collaboration entre l’homme et le robot dans les tâches les plus pénibles et introduire la technologie au service de l’humain.
Le parcours de Jean-François Rostalski en 4 dates
1987
Diplômé d’un CAP en réparation de machines agricoles et automobiles
2001
Recruté au Technicentre industriel d’Oullins en tant qu’agent logistique.
2002
Formation en tachymétrie
2025
Poursuivre dans la micro-mécanique
3 questions à Jean-François Rostalski
Que vous évoque la notion d’usine 4.0 ?
Ce sera une usine plus technologique et plus robotisée. C’est la technologie qui nous a toujours permis d’avancer, notamment dans le domaine des transports. La preuve avec le TGV et ses 350 km/h ou encore avec Hyperloop en développement.
Comment imaginez-vous le futur avec les robots ?
Les robots c’est très bien car c’est une partie de l’avenir de la technologie. Mais je suis inquiet quant au devenir des agents, les robots seront conçus et réparés par des ingénieurs. Je me questionne sur l’avenir des métiers moins qualifiés qui pourraient tendre à disparaître.
Qu’est-ce qui vous rend fier dans votre travail ?
Le fait de travailler sur des composants qui servent à faire rouler des trains à plus de 300km/h est une source de réelle fierté pour moi !
UNE CARACTERISTIQUE, UN MOT, UN DICTON