NUMÉRO 14 – JANVIER 2020
NICOLAS LE GUEN
INGÉNIEUR SUR LE PROJET TRAIN AUTONOME
CENTRE D'INGÉNIERIE DU MATÉRIEL”
« Voyage dans le futur avec Nicolas Le Guen «
Un train qui roule tout seul : de la science-fiction ? Peut-être plus pour longtemps grâce aux travaux de Nicolas Le Guen et de son équipe. Après avoir travaillé à l’amélioration de la maintenance des trains d’aujourd’hui, il est depuis 2018 chargé de concevoir les trains du futur au CIM (Centre d’Ingénierie du Matériel SNCF).
Crédit photo SNCF
À ce jour, il faut se rendre en Australie pour voir circuler un train autonome. Ce train de fret parcourt plusieurs centaines de kilomètres, depuis la région isolée du Pilbara pour acheminer du minerai fer vers les terminaux portuaires de la région. Cependant, ce train est très différent du modèle français, notamment en ce qui concerne la technique de freinage. Contrairement au modèle australien, qui nécessite des modifications sur la voie, SNCF a choisi d’embarquer tous les capteurs dans le train. Une volonté qui nécessite de construire des appareils dédiés. En effet, impossible d’importer des technologies venues de l’aéronautique et de la défense pour la localisation et transmission de données notamment, cela coûte trop cher ! Trouver des solutions parfaitement sûres et à un coût raisonnable, sans modification sur la voie, c’est l’équation que tentent de résoudre Nicolas Le Guen et son équipe, en collaboration avec la branche Innovation et Recherche de SNCF et des partenaires industriels et institutionnels. En intégrant ce projet, il a aussi modifié ses méthodes de travail et favorisé le mode plateau, c’est-à-dire des bureaux qui regroupent plusieurs équipes autour d’un projet. « Une vision d’ensemble est absolument nécessaire » rappelle Nicolas.
À l’avenir, les trains autonomes assureront un pilotage plus précis du train, un meilleur système de sécurité et permettront de désengorger les lignes saturées. Des trains autonomes pourront réduire le temps de réaction lors du freinage par exemple et ainsi permettre d’augmenter le nombre de circulations en rapprochant les trains successifs. D’ici à 2023, deux prototypes verront le jour et effectueront des essais, un pour le fret et l’autre pour le transport de voyageurs.
Concevoir des trains autonomes est un défi exaltant mais qui doit rimer avec sécurité. Qui de mieux placé alors qu’un spécialiste des études de sûreté pour le relever ? Après ses études, Nicolas travaille pour une filiale du groupe EADS sur des missions de sûreté nucléaire. Un premier poste intéressant mais dans lequel il ne souhaite pas s’enfermer. La dimension de service public et d’utilité sociétale de SNCF l’attire. Travailler à rendre plus simple le quotidien de milliers de voyageurs est un défi passionnant et un rôle dans lequel il se sent utile. Avec plus d’une dizaine d’années passées à SNCF, il constate que « l’entreprise [lui a] permis de faire des choses très différentes, ce qui n’est pas possible partout. »
Il intègre tout d’abord en 2008 le service de l’ingénierie du Matériel à Oullins. Pendant quatre ans, il travaille sur des dossiers de sécurité liés aux modifications réalisées sur les trains. Par exemple, pour permettre de réaliser des allers-retours sans avoir à changer la locomotive de sens, cela nécessite de piloter le train par ses deux extrémités. Pour que de telles modifications soient réalisées, Nicolas veille à la conformité du nouvel engin. Puis, en 2012, il travaille à l’optimisation du plan de maintenance de plusieurs séries de trains. Il étudie l’usure des pièces afin de déterminer les moments optimaux pour les remplacer ou les contrôler. Avec son équipe, il mettra également en place ce que l’on nomme la maintenance discrète. L’objectif ? Plutôt que de réaliser toutes les opérations de maintenance les week-ends ou d’immobiliser une rame durant une semaine, les opérations sont segmentées et les temps creux de la journée sont utilisés pour vérifier le matériel. Grâce à cette nouvelle organisation, sur une flotte de soixante trains, quand six étaient immobilisés avec l’ancien système, seulement quatre le sont grâce à la maintenance discrète. Un gain de temps et d’argent qui permet de proposer plus de trains aux voyageurs.
C’est grâce à ses compétences multiples, qu’il rejoint en 2016 les trois cents ingénieurs du CIM. Durant deux ans, il valide les performances des trains de travaux neufs et vérifie que les trains livrés par les constructeurs tels que Plasser & Theurer / Framafer ou Matisa correspondent au cahier des charges en termes de sécurité notamment. Ce passage au CIM, lui permet de s’intéresser encore un peu plus à la conduite du changement et à l’innovation. Il saisit alors l’opportunité de travailler en Recherche et Développement sur le projet de train autonome. Un projet qui, avec d’autres, apportera à terme des améliorations notables, comme l’augmentation de 30% de trains supplémentaires sur la ligne Paris-Lyon aujourd’hui saturée.
Le parcours de Nicolas LE GUEN en 5 dates
2005
Diplômé de l’ENSTA Bretagne en tant qu’ingénieur
2008
Embauché à l’Ingénierie du Matériel à Oullins
2012
Rejoint l’encadrement du PEVAT (Pôle Etudes Voitures Automotrices Tram-train), ingénierie de maintenance (50 personnes)
2016
Rejoint le CIM (Centre de l’Ingénierie du Matériel) et travaille au développement des trains autonomes
2025
Manager une équipe au CIM ?
3 questions à Nicolas LE GUEN
Qu’est-ce qui vous marqué au cours de vos missions ?
À SNCF, j’ai rencontré beaucoup de personnes très investies dans leur travail, qui ne comptent pas leurs heures. La notion de service public persiste et fait partie de l’ADN du groupe. Contrairement à l’image qui peut parfois être véhiculée, la sécurité de l’emploi n’empêche pas un grand niveau d’investissement.
Quelle est la place de l’intelligence artificielle au quotidien ?
Tous les domaines seront concernés par l’intelligence artificielle et le transport ferroviaire ne fait pas exception avec la réflexion sur les trains autonomes. Mais il reste encore beaucoup de travail pour développer des systèmes de pilotage automatique sans conducteur. Dans les TGV du futur, l’intervention humaine restera nécessaire pour gérer les aléas de la circulation.
Quelle est pour vous l’innovation majeure du XXIème siècle ?
C’est certainement l’assistant personnel. Il bouleverse les rapports humains : les commerciaux, par exemple, s’adresseront à une interface intelligente et non plus à des clients. Après la révolution industrielle, qui a impacté durablement le monde industriel et agricole, nous vivrons peut-être une révolution du secteur des services.
UNE CARACTERISTIQUE, UN MOT, UN DICTON