NUMÉRO 26 – DÉCEMBRE 2020
THOMAS TONNELLIER
ACHETEUR STRATÉGIQUE
DIRECTION DES ACHATS DU MATÉRIEL SNCF - TOUR INCITY LYON”
« Le juste prix ! »
Thomas Tonnellier n’est pas l’homme qui valait 3 milliards mais celui qui contribue à faire gagner de l’argent au Matériel. Il est acheteur stratégique à la Direction des Achats. Ne fuyez pas ! Le nom du poste fait peur mais c’est un métier très intéressant. Thomas tient son rôle à la perfection et nous présente les méandres de son profil insoupçonné …Entrez en coulisses, c’est par ici que ça se passe…
Crédit photo – SNCF
Parler de coulisses n’est pas anodin car être acheteur stratégique est plutôt un métier « de l’ombre ». Mieux vaut être passionné comme Thomas car ce serait presque un coup à s’arracher les cheveux : analyse de données chiffrées, en veille permanente du marché, de la concurrence, « zieuter » ce qu’il se fait chez le voisin pour être sur les meilleurs coups.
Voilà à quoi ressemblent les journées de Thomas qui exerce sa mission d’acheteur stratégique au sein de M depuis 2012. Il construit, bâtit des stratégies d’achat pour permettre l’atteinte des objectifs SQCDEH. Cela consiste en quoi réellement ? C’est savoir prendre du recul, de la hauteur, pour voir comment on peut « acheter en rupture », autrement dit, bien en amont de l’acte d’achat, bien avant le démarrage d’un projet, analyser le marché, projeter son évolution et en mesurer les risques, sécuriser les approvisionnements par la sélection de fournisseurs, repérer et inciter leurs innovations qui pourraient améliorer notre performance, chercher l’optimisation qui permettra l’achat d’un bien, au juste besoin, à moindre coût. L’objectif étant bien sûr de maîtriser les dépenses dans le portefeuille du Matériel. C’est ce qu’on appelle dans le jargon économique : de l’analyse stratégique. Pour ce faire, Thomas travaille à collecter un maximum de données, ce qu’il apparente presque à de la « Big DATA ». Il scrute l’ensemble des données dont l’évolution des prix et s’attarde à vérifier qu’ils évoluent dans le bon sens. Comme tout bon analyste et acheteur stratégique, Thomas s’attelle à « benchmarker » et garde un œil vif sur les autres grandes entreprises, concurrentes ou non. Il développe le panel fournisseurs, se déplace sur les salons pour rencontrer les acteurs économiques, flairer un peu le marché, prendre la température et vérifier s’il est porteur. Il est un peu le Sherlock Holmes de la meilleure optimisation entre performance technique et économique.
Mais qu’achète-t-il au juste ? Des pièces, des consommables pour la maintenance des trains. Thomas et ses autres collègues acheteurs, endossent une grande responsabilité, les économies d’achats de M dépendent en partie d’eux. Heureusement, il travaille en coopération étroite avec l’Ingénierie et la BU Solution Pièces pour savoir par exemple s’il est judicieux ou pas de faire du stock sur des achats de pièces, appliquant une stratégie d’achat en volume au meilleur prix. Une mauvaise analyse, et « BIM ! », la performance économique n’est pas au rendez-vous. Il veille, vérifie, recalcule, propose des alternatives… C’en est presque des paris sur l’avenir, mais il est essentiel pour lui de ne pas se tromper et de viser juste.
Thomas est en interface permanente entre l’interne et l’externe. En effet, il est à l’écoute des chefs de projets de la maîtrise d’ouvrage des BU Valorisation Patrimoniale et Solutions Pièces afin de recueillir leurs besoins ; puis il se tourne ensuite vers les fournisseurs externes. Et c’est là que son enquête commence. On pourrait penser que les journées de Thomas sont cadencées et suivent toujours le même tempo ; que nenni ! C’est ce qui fait aussi toute la richesse de son poste et Thomas aime ça. Aucune journée ne se ressemble : bien que rythmée de points d’animation autour de projets, de revues de stratégie et de recherche de performance avec les fournisseurs, Thomas est souvent en contact avec les acheteurs opérationnels afin d’échanger sur la stratégie proposée et trouver ensemble la meilleure façon d’acheter. Et lorsqu’il a enfin un moment « off », il essaye de prendre du recul sur les données et indicateurs, Thomas analyse, décrypte, et partage sa vision afin de la valider. Cela implique une certaine connaissance de la structure d’un prix pour orienter la recherche de performance. Thomas pousse même le vice : acheter malin, c’est acheter moins. Il réfléchit à une économie circulaire, pousse les fournisseurs à la développer et la met en pratique avec l’implication des différents acteurs du Matériel concernés. Pourquoi acheter quand la pièce peut être réparée ou recyclée ? Là est toute la bonne analyse d’un acheteur stratégique et Thomas l’a bien compris : une économie financière peut être aussi une économie environnementale.
L’anticipation et la vision macro n’ont plus de secret pour lui. L’épisode de la crise sanitaire COVID connue en 2020 a démontré que la stratégie de Thomas et ses collègues était la bonne. Grâce à son sens de la prévoyance, même si le Matériel a su faire face à cette crise, il sait proposer différents scenarii et des solutions de contournements pour ne pas risquer de se retrouver face à un fournisseur qui ne serait plus en mesure d’alimenter en pièces du jour au lendemain au motif qu’il aurait malheureusement dû « mettre la clef sous la porte ». C’est aussi cela le métier de Thomas : analyser les potentielles défaillances du fournisseur. Aucun doute, Thomas veille aux achats, coûte que coûte !
Le parcours de Thomas TONNELLIER en 5 dates
1982
Naissance en Terres ferroviaires : le Hainaut Valenciennois. Thomas est tombé dans la marmite quand il était petit
2005
Diplôme d’ingénieur en construction mécanique à l’Ecole Polytechnique Universitaire de Lille (ex EUDIL)
2009
Intégration du groupe SNCF au TI d’OULLINS
2012
Premier poste achat à la Direction du Matériel
2025
Sans cibler précisément un poste puisque les métiers et les organisations évoluent sans cesse : toujours aux achats mais plutôt « production achat » pour revenir au cœur de la négociation et de la contractualisation
3 questions à Thomas TONNELLIER
Qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier ?
Ma première passion professionnelle est mon secteur d’activité : l’industrie, la filière ferroviaire qui a su intégrer et porter 200 ans d’évolutions technologiques et va continuer à le faire.
En second, la position au sein « des chaînes de valeur ajoutée » de M : les achats sont une charnière entre SNCF et le monde industriel extérieur. Une place de choix pour échanger avec les acteurs extérieurs et internes. On travaille avec tous les clusters et les TI pour toutes les BU. Enfin : livrer la performance tout du moins les stratégies y conduisant, sans cesse. Identifier des gains en analysant et challengeant un besoin, un marché pour « déterrer » des leviers de performance. C’est la finalité de nos actions que de « faire parler les chiffres » et c’est passionnant !
Quelle est selon vous, la place du digital au quotidien ?
Elle ne peut être que croissante. L’IA va révolutionner nos quotidiens et nos métiers, j’en suis convaincu mais en attendant, pour mener à bien nos analyses, on peut parfois devoir « machiner » des milliers de données et l’utilisation d’outil big data et/ou de data viz devient maintenant une nécessité pour un acheteur stratégique. J’essaie, dès que c’est possible d’utiliser ces technologies sans totalement oublier qu’un stylo, du papier ou un tableau ont fait leurs preuves depuis quelques siècles aussi… Le digital est une aide précieuse pour « faire parler les chiffres ».
Comment s’est articulée la stratégie d’achat face à la crise sanitaire du COVID-19 ?
En amont et lors de la vague 1, les achats sont intervenus pour sécuriser les besoins de la BU PIECES. Nous avons essayé de prévenir et de procéder là où c’était nécessaire à des couvertures stratégiques pour qu’aucun engin ne soit immobilisé.
Concrètement :
Il a fallu « scanner » sans cesse l’état de production des fournisseurs à travers le monde puisque les chaînes d’approvisionnement sont de plus en plus interconnectées et mondiales. Un travail conséquent et une réactivité essentielle des acheteurs opérationnels, des acheteurs stratégiques, du CLI avec des milliers d’échanges téléphoniques, de mails, de réunions Skype avec les fournisseurs de M dans un contexte évoluant quotidiennement pour s’assurer de l’état de production, du respect des carnets de commande mais aussi des capacités à livrer. Une fois la situation stabilisée, il a fallu vigiler le redémarrage des flux de production et l’impact financier chez les fournisseurs. C’est une situation sans précédent. Nous sommes aujourd’hui toujours dans cette phase de vigilance et gardons un contact très étroit avec les entreprises. Nous sommes à l’écoute des signaux même faibles, plus que jamais mobilisé au service de M et de ses clients.
UNE CARACTERISTIQUE, UN MOT, UN DICTON